ACTU : Inter-CDI dénonce le détournement de la mission du professeur documentaliste
Dans "Le Détournement", article publié dans InterCDI n° 235 et accessible en ligne, François Daveau, secrétaire général du CEDIS (Centre d'Etude de la Documentation et de l'Information Scolaires, éditeur de la revue InterCDI), passe au crible dix années de stratégie institutionnelle pour détourner les professeurs documentalistes de leur mission pédagogique. Petit résumé de ce texte incisif pour inciter à sa lecture…
En préambule, François Daveau relève que l'enseignant documentaliste n'est pas le seul professeur à gérer un lieu, en plus d'assurer un enseignement, mais que les autres professeurs (EPS, Physique-Chimie) ne sont pas pour autant réduits à ce lieu. Il rappelle également que les seuls textes officiels de référence qui légitiment la mission d'enseignant des professeurs documentalistes demeurent la circulaire de missions de 1986 et l'arrêté du 12 mai 2010 (BO n°29 du 22 juin 2010) . Créer une inspection spécifique en même temps que le CAPES, aurait été, selon lui, plus simple pour la reconnaissance de l'enseignant documentaliste.
Pour François Daveau, deux projets se rejoignent dans cette intention de détournement : au premier plan celui de l'Inspection Générale Etablissement et Vie Scolaire et au second plan, celui, plus diffus, qui serait lié à un contexte économique mondial et, plus particulièrement à la ligne idéologique néo-libérale.
La stratégie de l'Inspection générale se traduit quant à elle par une multitude d'actions et d'attitudes :
- un important travail de communication est effectué auprès des jeunes professeurs documentalistes afin d'imposer une vision techniciste et gestionnaire du métier ;
- des textes indicatifs (protocole d'inspection, PACIFI) niant la responsabilité pédagogique de l'enseignant documentaliste (jusque dans les termes employés : "documentaliste" en opposition à "professeur") sont publiés sous son égide ;
- le cliché du "cours magistral d'information" est agité pour diviser les professeurs documentalistes et empêcher tout consensus sur une formation unifiée à la culture de l'information ;
- le développement des learning centres dans l'enseignement secondaire, dernier acte en date, est proposé avec force. En s'appuyant sur des études portant sur l'enseignement supérieur, l'IGEN semble vouloir transformer les professeurs documentalistes en "information specialists", simple moyens techniques au service des professeurs de discipline, avec un niveau de recrutement bien plus bas et une amplitude horaire de travail bien plus haute.
L'auteur adresse trois critiques à l'encontre des learning centres :
- tout d'abord, la plupart des professeurs documentalistes, comme M. Jourdain faisant de la prose sans le savoir, "font" déjà du learning centre ;
- il distingue ensuite deux paliers dans l'autonomie des élèves qui serait induite par l'usage d'un learning centre : l' autonomie physique, privilégiée par l'institution en tant que simple accès aux outils numériques, et l'autonomie intellectuelle qui, elle, se construit progressivement grâce à la médiation humaine. Le risque d'une formation technique serait alors de rendre l'élève autonome face aux machines mais incapable d'esprit critique ;
- enfin, il s'interroge sur les conséquences, encore peu étudiées, de l'influence des outils numériques sur l'élaboration de la pensée des élèves, et notamment sur leurs processus de mémorisation et de construction du langage.
Le learning centre interroge la profession et François Daveau nous fait part de ses inquiétudes. Une certitude toutefois, celle que le learning centre participe au "glissement" du pédagogique vers l'éducatif et "l'accompagnement".
Tout ceci, selon l'auteur, découle d'une volonté plus globale de bouleversement, non seulement au niveau national (autonomie des établissements, évaluation des enseignants par les chefs d'établissements) mais aussi au niveau européen (Table ronde européenne des industriels, Protocole de Lisbonne) et mondial (Consensus de Washington, conférences de Vancouver sur l’éducation, OCDE). Sont également pointés les professeurs documentalistes eux-mêmes qui se laissent déposséder de leur fonction pédagogique au profit d'entreprises ou d'associations privées (ex. Calysto).
En conclusion, le secrétaire général du CEDIS rejoint le sentiment déjà exprimé sur ce site selon lequel l'objectif final de l'Institution serait d’aménager un retour rapide des CDI et de leurs responsables dans le giron du Scérén-CNDP.
Pour autant, la résistance s'organise, comme le souligne le secrétaire général du CEDIS, en citant des figures de la profession comme Françoise Chapron ou Pascal Duplessis qui invite au débat sur ce site. Tout repose de fait sur la nouvelle génération de professeurs documentalistes qui doivent conserver un regard critique, s'engager, et s'emparer des débats actuels de la profession.
merci de repréciser ce lien, mais il est déjà donné en hyper lien dès la première ligne de cet article. Ne fonctionnerait-il pas pour vous ? Bug ?
Notamment "celle que le learning centre participe au "glissement" du pédagogique vers l'éducatif et "l'accompagnement"."
C'est bien, l'information circule ! les réflexions progressent dans le bon sens.
Merci à Marie Ligonnière d'être le relais de François Daveau et à François Daveau d'avoir été le mien !
je retrouve dans ce résumé une remarque que j'avais faite sur la liste e-doc, soulevant la question de l'intervention de sociétés privées dans les établissements, alors qu'il serait du ressort des profs-docs d'affirmer leur spécificité en abordant les enjeux de l'identité numérique, qu'elle soit abordée en termes de "risques", de nouvelles "opportunités", ou bien (pour revenir au prof-doc), comme objet d'étude, support du développement de "l'esprit critique" des jeunes.
Je salue en revanche l'initiative des enseignants qui tentent aujourd'hui de mutualiser leurs outils et ressources pour travailler avec des élèves dyslexique.
dans mon collège à paris, c'est presque acté : baby foot et tv en permanence, et du coup en dehors des cours, beaucoup d'élèves ne vont plus au cdi.
Vous avez dit centre de loisirs? Les collègues remarquent de plus en plus de difficultés, chez nos élèves pourtant en majorité favorisés à ne pas "zaper", à se concentrer, à réfléchir...Alors la solution institutionnelle / Cyber café? pas cher en personnel.